Mirastralie Papyrus 17684*

 
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Mirastralie Papyrus 17682*

 
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Colocataires

Elles s’étaient rapprochées lentement, au cours des semaines, pas à pas, et sans intention préalable. Leur amitié s’était ébauchée au cours de rencontres infimes durant lesquelles aucune d’elles deux n’attendait autre chose qu’un accompagnement momentané, le retour du lycée ensemble, le sourire en se croisant à la cantine, dans un couloir… Toutes deux immergées dans leurs études, elles avaient ignoré d’abord l’importance des à côtés, du voisinage. Dans ce lycée, Claire poursuivait sa seconde année d’études scientifiques, maths spe, domaine que ne se figurait qu’approximativement Anne, débutant ses études supérieures en prépa littéraire. Elle aimait simplement le terme qui désignait la classification des niveaux de son amie, puisqu’il était convenu qu’une classe très studieuse et performante obtenait, outre son titre même, MPSI, une « étoile », MPS*. Elles habitaient une chambre chez l’habitant, sur le même palier.
Peu à peu, chacune avait éprouvé le besoin de retrouver l’autre sur le chemin pour la cantine, le soir. Elles dînaient ensemble, à deux ou plus, de temps en temps, pour oublier un moment les profs et les devoirs, pour parler des autres collocataires, de la propriétaire ou de leur même ville d’origine, puisqu’elles avaient découvert par hasard qu’elles étaient déjà voisines de lycée. La plus jeune, Anne, était fascinée par l’humour agile de sa collègue. Sans un sourire, presque sans y croire, Claire savait découvrir l’insolite ou l’improbable d’une situation.
Ce soir-là, l’automne s’alourdissait, faisant monter la nuit très tôt, et Anne avait rejoint Claire dans la rue. Plus d’oiseaux, plus de fleurs : dans leur délire studieux, les deux filles étaient tentées de croire que seule leur fatigue accumulée noircissait ainsi le ciel et le vent. Du reste, les manifestations climatiques restaient de moindre importance pour elles, comme périphériques et inadvertantes. Sur le chemin du lycée, elles devaient traverser la cour d’une école. Souvent le matin, elles attendaient quelques instants la sortie du gardien qui leur ouvrait les portes en les saluant discrètement. Mais le soir, elles restaient longtemps ouvertes, et sans avoir jamais rien expliqué, cet homme était habitué à ce trajet quotidien.
« J’ai obtenu une date pour passer mon permis, pendant les vacances de Noël, annonçait Claire.
− ah c’est bien, tu vois, tu commençais à te lasser, c’est super. Tu vas l’avoir, c’est sûr.
− Rien n’est sûr, on verra. »
Souvent leur conversation était minime et se poursuivait dans le silence. On aurait dit un acte de timidité, mêlé à une forme de compréhension suffisante entre elles deux. Anne s’était tout de suite étonnée de leur proximité de pensée. Des réactions communes, dès les premiers moments de leur rencontre. Les sujets étaient abordés sans suivi, approfondis d’une fois sur l’autre par de rapides phrases. Avançant dans la cour, noire et seule, les deux jeunes filles percevaient l’importance de cette année presque irréelle. Profondément attachées à leur programme de travail, au planning d’études et de révisions, elles ressentaient parfois un singulier vertige en se confrontant au monde de la ville, du commerce et des spectacles. C’était un trouble qui s’aiguisait au cours des semaines, et leur donnait l’impression rétrospective de sombrer cette année dans l’égoïsme et le repli vain. Leurs discussions les moindres étaient une échappatoire providentielle et chaque soir, l’attention à l’air et aux petites variations florales et saisonnières les retenait toute.
Au moment de tourner à l’angle de l’école, une petite chose transparente et comme vitrifiée tomba juste devant elles avec le fracas du verre brisé. D’infinis morceaux de ce cristal limpide juchaient le sol, innombrables et brillants. « Claire… », murmura Anne, simplement, doutant encore de la faisabilité même de cet accident. La goutte leur avait semblé très petite et très lente, mais les éclats les entouraient sur plusieurs mètres. Aucun bruit en l’air ni au sol n’avait préparé la collision, et la nuit approfondissait les questions des jeunes filles. « On aurait dit une larme, correctement soumise à la pesanteur, mais ralentie… » s’immobilisait Claire.
− oh, Claire, regarde… ça ne coupe pas, tous les bords semblent doux et ronds.
− Pourquoi aucun bruit ? Qu’est-ce que cela ? »
Elles essayaient d’envisager les possibilités, d’élargir le champ de compréhension : une illusion d’optique dans cette nuit de novembre ? Une condensation suprême de l’eau libérée au contact du sol ? Un mirage persistant et concomitant dans leurs deux esprits ?
Mécaniquement, elles avaient repris le chemin du lycée, silencieuses. La concentration intense de Claire fascinait son amie, désormais consultée momentanément sur des détails de l’aventure. C’était certain, elles avaient vu exactement la même chose, elles avaient même été mêlées au phénomène, mais tout cela semblait un film projeté sans le son, et relativement ralenti.
Leurs amis avaient déjà fini de dîner, elles restèrent seules et figées dans la lumière de la cantine. Une crainte muette s’élevait en Anne, vaincue par ces sommes inexplicables, ces failles illogiques. Elle aurait aimé ne pas quitter sa jeune amie, leur proximité restait seule habituelle dans cette soirée étrange. Elles marchaient encore plus vite, fuyant peut-être la tentation de demander de l’aide, d’abandonner encore davantage l’exigence de raison et de sang-froid. Claire restait contrariée mais présente au raisonnement. A force d’achopper sur la question du silence, elle devenait plus curieuse, plus méthodique. Ce fut elle qui insista pour traverser à nouveau la cour de l’école. « On est peut-être aveuglées par quelque chose, je suis sûre qu’on sera rassurées, dédramatisait-elle, et puis si c’est toujours là, et que ce matériau qui se brise en douceur résiste à quelques tests, on partagera le prix Nobel de physique pour notre découverte inouïe. » Comme toujours, l’exaltation restait verbale, Claire souriait à peine et prolongeait en silence les répercussions imaginaires de leur soirée. Cette retrouvaille avec l’humour faussement superficiel de sa voisine rassura énormément Anne. Rien ne pouvait affecter cette fille, la raison restait valable et prometteuse. Alors, où se situait la première incompréhension ?
Ouvrant le portail, les deux jeunes filles retrouvèrent tout à la même place. Le gardien n’était pas passé, sans doute, contrairement à ses habitudes, le soir, ou il n’avait pas encore balayé ce qui ressemblait à un amas de verre miroitant. Anne et Claire se penchaient, s’écartaient, effleuraient les débris. Là, quelque chose avait changé : tout semblait moins poreux que lors du choc, une heure auparavant. On pouvait distinguer une sorte de rapprochement, voire de fusion entre certains éléments, constituant une résine ou une matière moins friable. Cela semblait invisible à l’œil nu, mais pourtant tellement manifeste.
Claire s’éloigna de nouveau : « A l’exception de cette possibilité de toucher et de sentir quelque chose, c’est par la vue que tout est arrivé. Je n’ai cessé de tourner dans ma tête cette évidence dans ma tête : Nous n’avons rien entendu. Mais normalement, ça doit impliquer que le choc ne s’est pas réellement passé ici, ou alors qu’il ne s’est pas seulement passé ici. Attends, Anne, je sais que tu dois me croire trop affectée pour raisonner logiquement, mais c’est pourtant certain…
− Non, je t’écoute. Je n’arrive pas à tout réunir comme toi, pour réfléchir… Je t’écoute. J’aimerais comprendre.
− Ton image du film tout à l’heure était infiniment probante, une vidéo un peu ralentie et projetée sans le son. Mais quelque chose résiste toujours en moi pour accepter cette idée : il aurait fallu l’intervention d’une conscience, et même d’une volonté.
− C’est assez troublant.. Je disais ça rapidement, tout à l’heure, pour mettre des mots sur les choses, mais cela impliquerait qu’il y ait eu une fracture ailleurs, où cela ? se relevait Anne.
− Essayons de reconsidérer cela une dernière fois, avant de rentrer, s’il te plaît, s’exalta Claire, le gardien n’est pas là, on dirait. »
Reculant une nouvelle fois, Claire leva les yeux. Son amie l’imita, dessinant le trajet vers le ciel étoilé. Mais, immédiatement, elle poussa un cri : à deux mètres de hauteur environ brillait, en suspension, un petit carré lumineux, orienté dans la direction de l’amas. Elles s’approchèrent toutes les deux.
« Un miroir ? s’enthousiasma Anne, c’est incroyable.
− cela ressemble, en effet, un petit prisme bien conçu. Je n’avais jamais vu ça… On ferait mieux de rentrer, pour ce soir : vivant ou non, tout est si bien prévu qu’il semble que l’on n’ait pas besoin de nous. » Anne regarda son amie, très étonnée. Soudainement les rôles s’inversaient, elle se sentait gagnée par l’aventure scintillante, heureuse d’être là et de découvrir l’ingéniosité de cette rencontre, tandis que sa jeune voisine montrait pour la première fois de l’impatience et des signes de nervosité. « Est-ce la fatigue de la journée, Claire ?, s’inquiéta Anne, Tu étais très soucieuse de comprendre, et tu t’arrêtes tout d’un coup au seuil d’une découverte incroyable, je pense. Moi, j’aimerais rester.
− Fais ce que tu veux, tu as la nuit pour toi. Bonsoir », s’éloigna Claire.
− Attends-moi, s’il te plaît, je rentre aussi. Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu sembles amère, si triste. Y aurait-il quelque chose que je n’ai pas vu, pas compris ? Claire, je peux entendre…
− Tout va bien, peut-être simplement le rappel des deux problèmes qu’il me reste à recopier pour rendre le devoir maison à temps, mercredi…
− Ah oui, ça ne s’arrête jamais, ces choses-là, mais tu es brillante, et on a maintenant une sortie imaginaire possible à notre quotidien studieux, murmura Anne.
− La grande optimiste, je devrais t’appeler comme ça. On verra, on peut se retrouver là à 7 h 00, demain, pour suivre l’évolution… Salut » Elles se sourirent et se quittèrent en haut de l’escalier, rejoignant leur chambre. Anne admirait le courage de sa voisine. Elle rangea simplement ses affaires et s’endormit très vite.
Au réveil, les émotions de la veille lui semblèrent d’abord oniriques. Elle s’imaginait déjà raconter à Claire qu’elle avait rêvé d’elle et d’une étrange chute silencieuse. Elle sortit sur le palier en vérifiant que la salle de bains était libre. Sur le guéridon, une lettre lui était adressée. Très étonnée, elle l’ouvrit fébrilement. Quelle surprise : c’était Claire. Elle n’avait donc pas dormi de la nuit ?

Ma chère optimiste,
Je te dois des explications, des remerciements et des excuses.
Grace à l’intervention de ma station spatiale, hier soir, tu vas peut-être croire plus facilement ce que je suis et pourquoi j’ai eu recours à toi hier. Je ne suis pas terrienne, je viens d’une planète très lointaine dont je n’ai aucun souvenir mais sur laquelle il n’est pas possible de grandir. L’atmosphère particulière favorise l’immobilisation du fonctionnement vital, voilà tout. On y vit bien, paraît-il, on y meurt aussi, mais tous les enfants sont envoyés sur d’autres planètes pour se développer et apprendre les différentes formes de vie. A 18 ans, on est récupéré par un programme selon les modalités d’une phrase qu’on nous a apprise avant de toucher la planète d’élection. La mienne était : « Avec son aide, vous n’entendrez pas davantage, mais elle le verra. » Personne ne peut rentrer chez lui sans l’objet que tu as vu hier soir, et que l’on appelle chez nous le « traciel ». C’était la dernière épreuve d’admission sur ma planète. En passant ce matin, seule, dans la cour, tu ne verras plus rien. Je reste là, bien sûr, un peu plus loin, mais immensément.
Heureuse continuation à toi sur cette belle Terre, Anne, ma chère colocaTerre. Merci
ta Claire

Extra-terrestre*

 
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Bagremar*

 
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Mirastralie Papyrus 17661*

 
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Poétique Tout*

 
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Mirastralie Papyrus 17656*

 
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