Luna-Lune

Si petite, presque minuscule, dans les bras de sa mère, elle attirait l’émotion. Comme l’insolite harmonie d’une langue étrangère, elle attendrissait les marcheurs et les saules. Attentive, silencieuse, la femme écoutait les chants à demi-voix de l’enfant. Désormais perchée sur un petit parapet, elle se laissait recoiffer, haute comme sa maman. Un petit bonnet gris clair, mêlé à ses cheveux blonds et à une écharpe légère lui donnait l’air d’une voyageuse céleste et légendaire, née d’une belle rêverie, forte de ses histoires. Sa voix surtout contait les mystères, invitait chacun en de merveilleux domaines. Elle sautillait, splendide, en son rire brillant : « Regarde, petit âne, le lac et les poissons. » C’était d’abord la promenade de sa peluche, grande comme sa main, mais à qui elle prêtait des sauts immenses et des explorations inouïes. Elle la tendait devant elle, comme pour lui montrer la profondeur de l’air, l’éclat du crépuscule, la folle fantaisie qu’il lui fallait avoir pour devenir un vrai compagnon. Elle inventait les éducations, mimait les admirations.
« Luna, ma chérie, on va y aller, le soir tombe, et papa va rentrer », sourit la maman. « On reviendra demain après l’école. » Un peu lancé dans ses équilibres colorés, l’enfant mit quelque temps avant de s’éloigner de la rive. « Dis, petit âne, tu ne dis pas ‘au revoir’ à tes copains ? A demain, le tilleul, à demain, l’acacia, à bientôt les tulipes. » Elle restait portée par les nuages, entendue par les arbres qu’elle observait beaucoup.
Comme formée d’une autre dimension, sa chambre mauve prolongeait ses contes. Elle inventait de nouveaux jeux, des parcours fantaisistes et dessinait d’étranges animaux pour amuser son âne. Parfois, ses parents l’écoutaient dire tout haut des formules magiciennes, touchés infiniment par ces images lointaines. Son attention particulière la portait vers le ciel, elle lui dédiait son premier regard, animation fondatrice du jour, initiation de son sourire. Par imitation grandiose de l’appareil de son père, elle avait inventé une station météorologique inouïe, qu’elle déplaçait chaque soir sous le rayon de la lune, lorsqu’il visitait sa chambre, et elle consignait ses observations de petite fille avant de définir les influences climatiques. En somme, elle remémorait le temps plus qu’elle ne le prévoyait, mais chacun participait à ses recherches méticuleuses. Patiente, elle adoptait les gestes d’écoute et d’analyse, dessinant les nuages, colorant les aurores, inscrivant les éclaircies. Elle avait gradué un petit gobelet, pour mesurer les ondées, ancré sur l’avancée de sa fenêtre près d’un peu de coton rattaché à une allumette, infaillible anémomètre.
Elle disposait chaque soir une feuille blanche sur son bureau, notait la date du lendemain. Comment avait-elle deviné que quelque chose s’écrivait chaque nuit sur le papier ? Le stylo était dérangé et le capuchon placé à côté, mais le mot n’était pas noté à l’encre, ni au feutre. Un matin, le vent était entré plus violemment dans sa chambre, dès qu’elle avait ouvert la fenêtre pour consulter son pluviomètre, et lorsqu’elle avait ramassé la feuille, Luna avait découvert le mot « symbiose ». Elle échangeait la prononciation, un peu gênée par le rapprochement singulier de ces lettres, et son père avait souri de la voir se précipiter vers lui, d’une impatience cette fois-ci immense et invincible : « Papaaa, papaa, ça veut dire quoi « simbiosse » ? » Elle tendait sa feuille, très pressée. « on dit « symbiose », ma puce, et ça veut dire que deux personnes s’entendent très bien, sont très amis et s’entraident toujours, de manière très profonde. Où as-tu trouvé ça ? » Elle était partie dans un grand silence, elle cherchait maintenant sa propre définition de ce mot, son origine, et son imagination préférait les explications irrationnelles : et si enfin la lune lui parvenait à lui répondre ? Mot à mot, comme pour apprendre la parole terrienne, en choisissant une petite fille silencieuse comme maîtresse ? Chaque matin, elle agitait maintenant la feuille par la fenêtre, et elle s’enchantait de voir apparaître le mot adressé, en une sorte d’encre mauve, révélé au souffle du vent.
Peu à peu, les parents de Luna s’étaient inquiété, assistant eux-mêmes au phénomène, recherchant le sens et la possibilité du terme. Ils avaient voulu la changer de chambre, lui promettant une tapisserie colorée et des peluches lumineuses, mais elle était persuadée que rien ne s’arrêterait, et sa sérénité même avait convaincu ses parents. Du reste, rien n’avait changé, la petite était même plus vive et volontaire qu’auparavant. Simplement, des convictions se formaient, singulières, et le monde des fantaisies l’attirait plus intensément encore, jusqu’à la faire dessiner partout. Ses cahiers étaient décorés, ce qui avait mis en colère la maîtresse jusqu’à ce qu’elle découvre, émerveillée, que les dessins ponctuels amorcés sur chaque page finissaient par forger une construction parfaitement cohérente à l’échelle du cahier entier, une véritable monde différent, une grotte peuplée de petits ânes tout verts, ou d’étranges fées taquines habitant les rayons d’un arc-en-ciel… Elle créait aussi de petits objets pour ses camarades : des stylos reproduisant comme les grands coquillages le bruit de la mer, ou des gommes parfumées à l’air des forêts. Quand Luna esquissait un dessin, c’était un emportement entier de son être, elle avait trouvé ainsi un moyen d’appréhender le monde et de parler à son amie, la lune. Un jour, elle lui dessina des bras très fins et imagina qu’elle lui avait prêté son âne pour le bercer.
Ses parents admiraient son talent, encourageaient sa passion pour le dessin. Mais ils restaient un peu inquiets par le phénomène de l’apparition colorée du mot sur la feuille. C’étaient la plupart des mots sans impact immédiat sur le jour à vivre, « concerto », « peuplier », « mosaïque », « bougie », « thermomètre », mais quelques fois, le mot était réapparu dans la journée, avait annoncé un événement ou provoqué une situation. Le matin où « Catherine » était apparu, une nouvelle élève ainsi prénommée était entrée dans la classe de CE2 et s’était tout de suite prise d’amitié avec Luna. Elle lui demandait beaucoup de dessins, apportait des idées de réalisations magiques. Sans lui dévoiler le secret de sa petite station météorologique, Luna avait invité la petite fille chez elle, et à deux, elles traçaient de petites cités imaginaires, des perspectives naturelles. Ici et là, certains mots des feuilles passées revenaient inspirer une courbe, animer une création. Elles avaient inventé des personnages familiers, auxquels elles prêtaient leur voix.
Par une après-midi du mois d’avril au cours duquel Luna se promenait de nouveau dans le bois avec sa mère et Catherine, la petite fille semblait plus grave que d’habitude. Son amie, époustouflée, s’était précipitée pour avertir la jeune femme que Luna avait aidé la maitresse et l’avait étonnée : « Luna a inventé un nouveau tableau pour que la maîtresse affiche tous les dessins. Une lumière est projetée, les dessins défilent les uns après les autres, et tous les murs reproduisent l’image, comme si on était dans le dessin.
– C’est facile, ça, la boîte est carrée, s’agitait l’enfant, mais je voulais voir ce que deviendrait mon dessin, et s’il nous laisserait entrer vraiment et le modifier peut-être. Ça, je n’ai pas trouvé. C’est nul. » Un gros chagrin de petite fille la transperçait immensément. Elle avait vécu dans l’entre-deux des mondes, elle avait habité les images que son esprit et son entourage lui avaient insufflées, elle avait cru parfaitement à ces royaumes de contes, puisqu’elle entendait les jeux, les démarches et les pensées de ses petits êtres peu à peu créés. Elle était parvenue à introduire dans ce monde féérique une autre petite fille, tout cela la portait comme un pont de lumière, mais elle sentait finalement le charme s’évanouir, ses dessins s’aplatir grossièrement sur les murs, et le vertige même de la classe enthousiasmée hurlait son illusion, annulait les rêves. La maîtresse, peut-être, l’avait senti, ou bien avait-elle orienté sans cause le cours vers la prouesse intellectuelle de ce petit tableau très simple, plié en carré et sur lequel défilaient tour à tour les images. Les règles d’optique et de perspective s’étaient unies très adroitement à l’imagination d’enfance pour répartir l’image et ses domaines dans toute la pièce. Pourtant, la magie n’avait pas suivi, tout restait parfaitement immobile, sauf à l’instant de changer de dessin, et les inventions successives des protagonistes ne s’inscrivaient pas dans le dessin, la plasticité n’était que mentale, et rêvée.
Morose et silencieuse, dans la catastrophe de ses espoirs, Luna ne jouait plus, ne voyait même plus rien. Exclue de son propre monde, cet espace forestier ne la touchait plus. Pour la première fois depuis six mois, elle ne nota pas la date du lendemain sur sa feuille, elle pleura seule, toute petite, l’écroulement définitif et trop sévère.
« Luna, ma chérie, on va sortir tous les trois, ce soir, avec Papa, dans la forêt, tu veux ?, entraînait la maman. On peut faire du vélo, la soirée est douce. Que dit ton anémomètre ? C’est toi qui choisis le trajet. » Presque perdue, la petite fille ne répondait même pas. Docile, présente, mais trop affectée pour s’y lancer vraiment et rejoindre le sourire. Elle finit par s’endormir dans les bras de son père, retardant le moment d’entrer dans sa chambre, petite tâche d’émotion à la faille des confiances. Elle ne se plaignait pas, elle acceptait même de ne pas tout comprendre, mais elle triait en son cœur les cendres de ses joies. Affolés par ce silence insaisissable de la peine, les parents restaient attentifs, trop grands pour supporter la fracture si soudaine.
Le lendemain, Luna perçut tout de suite que sa mère avait oublié de la réveiller. Il faisait grand jour, elle serait nécessairement en retard. Momentanément distraite des effets de la veille, elle sortit dans le couloir, ouvrit la porte de la chambre de ses parents. Tous deux dormaient encore, ou approchaient en somnolence les dernières marches du rêve. « Papa, maman, il n’y pas école aujourd’hui ? » murmura-t-elle. En sursaut, sa mère se leva. « Mais si… quelle heure est-il ? Comment a-t-on pu débrancher le réveil, et dormir si longtemps ?
– Que se passe-t-il ce matin ?, respira le père, la radio ne fonctionne plus, du moins, je n’entends pas le son, mais elle semble bien allumée pourtant, et l’heure est correcte. » Il alluma la télé : les images étaient intactes, mais pas un bruit ne parvenait. « Même le téléphone ne sonne plus du tout, papa. » Désormais très calme et méthodique, la petite fille faisait le tour de tous les appareils électriques et confirmait cette panne étrange. Avec une demi-heure de retard, Luna arriva à l’école. Mais là aussi, aucun bruit n’était émis en dehors des voix humaines et des moteurs de voiture. Plusieurs élèves étaient absents, et les journaux indiquaient la généralisation de ce phénomène à la moitié du territoire. Inexplicable, embarrassante, mais surtout très étrange, la situation imposait une communication écrite, à la limite de la saturation des réseaux. Comment pouvait-on empêcher Luna de regretter que cet incident n’ait pas eu lieu la veille, pour éviter la découverte triste ; comment pouvait-on l’empêcher de percevoir une relation directe de cause à effet entre l’événement de la veille et celui de cette nuit ? Elle restait toujours très silencieuse, et le soir venu, elle rejoignit sa chambre sans rien dire. Le vent et les oiseaux continuaient leur chant. Sans trop y croire, elle exposa une feuille blanche au souffle nocturne. Lentement, plus indistinctement que les fois précédentes, peut-être, plusieurs mots apparaissaient : « Luna. Symétrique du son ». Doucement, Luna glissa sous s’approcha de la radio de la cuisine. La sentant à nouveau animée par une question majeure, ses parents continuèrent à lire. Elle alluma le poste, découvrit l’heure et le numéro de la fréquence. En concentration tactile, on aurait dit qu’elle entendait déjà quelque chose, en négatif, et par avance. Sur une feuille de papier, elle inscrivit à son tour une phrase et s’employa à la prononcer à l’envers. « édenr oun el ons ». Elle faisait d’autres essais, au gré de son esprit d’invention, elle essayait de descendre le volume en-dessous du minimum possible. Ses parents crurent qu’elle reprenait là son esprit ludique et imaginatif ; du reste, elle regagnait l’animation et les fulgurances jeunes de ses jeux. Elle s’arrêta soudaine, retourna sa feuille de papier, et dessina un poste de radio muet. C’était étrange et furtif, comme si l’image même avait conscience de sa dimension improbable. Le silence était figuré par un immobilisme total, par le symbole d’un micro débranché, et par quelques personnages, réunis autour de l’appareil, en en approchant les oreilles. Machinalement, le père de Luna vint se pencher sur son épaule : « tu dessines toujours aussi bien, ma chérie, et je suis contente que tu reprennes tes feuilles. » Avant de se rasseoir, il tenta une nouvelle fois d’allumer la radio. Immédiatement, la voix de la présentatrice météo se fit entendre. Intrigué, son regard se tourna vers la télévision, qui était allumée depuis plusieurs minutes, mais qui n’émettais toujours que les images. L’enfant choisit une nouvelle feuille, dessina une télé privée de son, installa son père et sa mère, esquissa même ses propres traits. Cette fois-ci, les parents observaient leur fille, et constataient avec stupeur que des bribes de voix surgissaient au fur et à mesure des détails apportés au dessin. Peu à peu, tous les appareils, secourus par Luna, se remirent à fonctionner. Tout semblait se réveiller sous ses mains. Entre temps, elle était repartie prendre une feuille dans sa chambre, et elle nota : « merci belle lune » avec des paillettes qu’elle jeta par le vent de sa fenêtre.
« Luna, comment as-tu deviné ? », s’émerveilla sa mère. Au lieu de répondre, la petite fille montra à ses parents le message que lui avait envoyé la secrète présence. Et puis elle finit par reformuler : « Il suffit d’observer la lune. Je le savais, parce qu’aujourd’hui, elle avait écrit mon prénom, et que c’est aussi le sien. »

Stringwriter*

 
nema slučajnosti
ne postoji žurba elementarne Jednine
materija nije od mašte Stvaraoca
 
ono malo duha je unutar Suštine
tamo gde se zvuci tame sećaju prvog
 
kruga ljubavi
hronosina istine
 
VizantOr* svira iste reči! - traži
mi saglasja jave u stravi
 
zato što sam žamor rime bez naravi
 
§

111x7*

 
čaj je strava! - posle sedamsto sedamdeset
sedam sati više matematike hronosina
čaj od plavih trava
 
računam na novu živost dalekih arhivara
radujem se već njihovim prevodima
 
recepata pariskih travara
kataloga sarajevskih kolekcioanara vedrina
 
formula beogradskih belih vračara
rariteta zagrebačkih izučavaoca umjetnina
 
apstrakcija evropskih filozofa prava
 
 

zooMe*


poslednji je čas da se prikažem kao Prvi
predskazujući slast novih matematika
tamo gde se ukrštaju Sfera i Piramida

Ona bi ipak da se zovem po njenoj
kružnici predat vlažnom telu  π

ne razumeš Me! - živi sa neutaživim
zabludela od iskone Tajne čuda
 
opisujem da jesam tamo gde se Jestvo
časti gubi u najdražem žamoru misli o
 
opipljivosti mašte izvan zamora vida
 
 

Iksonizacija XIX-LXI*


Sadržaj ima svoj početak
zato što bez Prvog ne može da bude
ni Poslednjeg

svaki Početak ima svoj sadržaj
negde između Aristotela i Huserla

nešto kao apstraktna analiza polja φ
misleće materije toplog kvanta Vremena

VizantOr* bi da me poljubi! - traži
mi hiljadu evra samo za milisekundu

onoga što jedino klanu arhivara važi


Pjesma: Ne pričaj s njima (Leontin Čapo Milenić)


Ne pričaj s Njima

By Master of Insanity

Ne moj pratiti trag Zvijezda,
jer on pokazuje pogrešan smjer.
Ne vjeruj ni Učitelju svome
ako mu je u duši skrivena Zvijer.

Ne vjeruj zlim Mislima,
one zamagljuju tvoju Svijest.
Ne vjeruj tužnom Pogledu
ma koliko on bio čest.

Ne razgovaraj sa bogom,
ako nisi siguran da te sluša.
Ne razgovaraj sa Materijom
jer ona nije tvoja Duša.
Ne vjeruj rani na Tijelu,
ako ne znaš tko ti je pruža.

Ne slušaj zavijanje Vukova,
ako ti ono narušava Sklad.
Ne ubijaj u želji za Krvlju,
ako ne osjećaš što je Glad.

Ne vjeruj mizeriji lijepe Žene,
ako ne želi s tobom podijeliti Bol.
Ne vjeruj ljubavniku svome
ako uviđaš i sama da je ohol.

Ne vjeruj toplini Dobrote,
jer ona skriva studenu hlad.
Ne boj se okusa Sramote,
ako je on nježan i blag.

Vjeruj u Ljubav, ali ne u Vanjštinu.
Zatvori oči i osjeti njezin Plam,
ali pazi da te ne opeče osjećaj stran.
Ne misli na propast, odbaci Tminu !

Ne vjeruj Poljupcima, ako nisu pravi
jer usne skrivaju zmijski otrov.
Izbaci iz razuma Demonove čari
Nemoj se predati, nisi još gotov !

I zato, ne pričaj sa Onima,
koji dražesno zavode, kako kažu.
Žele tvoju Tugu i slatko ti lažu.
Neka ostanu samo u snovima.

Ne pričaj s Njima, jer oni nisu dio Tebe.
Sotonske su sluge, a ne Anđeli čuvari.
Mrze što si poseban, te Đavolje bebe !
Piju ti krv polako, Duh ti polagano stari.

Ne boj se Sljepoće, ako razabireš Istinu
Ne gledaj u Ljepotu, ako ne znaš što je ispod kože.
Ne treba ti Svijetlost da bi slušao Tišinu.
Voli svoju Ljubljenu koliko god ti Srce može.
Ne vjeruj Putovima Života, ako ne znaš kuda vode.
Prodri u Srce Drage, samo ćeš tamo naći dašak slobode.

Ne vjeruj Suzama, ako nisu gorke i slane.
Ne vjeruj crvenom tragu Krvi, ako nema rane.
Ne vjeruj onima koji tvrde da nemaju mane.
Vjeruj, Sunce mora uskoro da svane !

Ne pričaj s Njima jer Oni su već u Tebi.
Ne vjeruj im, jer Ljubav skrivaju.
Vjeruj svojoj Najdražoj i samome sebi !
Udari ih kad su slabi ili kada snivaju.

Ne vjeruj zavodljivom Mjesečevom Sjaju,
ako ne poznaješ njegovu Tamnu stranu.
Ne vjeruj Onima koji tvrde da te dobro znaju,
jer u dubini duše svoje, skrivaju Crnu Vranu.

Ne vjeruj mirisu živopisnog cvijeća
jer on mami u Vječne Sanje.
Ne vjeruj trenutnom užitku Tijela
jer on neće poboljšat tvoje stanje.

Ne vjeruj dražesnom Osmijehu,
jer možda skriva oštre zube.
Ne vjeruj biserima u ruci
i zvuku Zlatne Trube.

Ne moj misliti da su Dijamanti vječni
jer prljavština prekriva njihovu bistrinu
Samo su tokovi rijeke Melankolije tečni
i njihov tihi šapat Sjete leprša u visinu.

Vjeruj u Ono što misliš da jesi,
izbriši Ožiljke na rani tvoje Duše.
Zaboravi na Jučer, izbrisani su Grijesi,
nestale su patnje koje srce muče.

Ne pričaj s Njima, ni ako Požuda grebe.
Ne slušaj te primamljive Glasove u Glavi,
moraš otkrit sama što su Osjećaji pravi.
Vjeruj svojem Najdražem i u samu Sebe !

Natürlich*

 
ne znam šta mi je
ne znam gde bih sada
ne razumem kako
 
stvaralac svetova svetlost stvori
dan Prvi u očima njenim
 
sve zarad samo jednog pravog
jedinog osmeha na toploj travi
 
Ksifias nije hronosino! - na
mojim usnama iscrtava Večnost
 
zaljubljena u žamor grada
 
 
 

Arche équatoriale

Dans le plus grand silence, cet événement bouleversa les hommes. Noyés dans les conflits et les guerres, réfléchissant à l’équilibre des forces, évaluant les armements, lançant des satellites moins tournés vers les astres que vers eux-mêmes, inventant les mots improbables d’un fonctionnement systématique : géopolitique, espionnage spatial…, ils avaient refusé d’abord de reconnaître le phénomène. La panique avait envahi le monde, plus profondément que l’étonnement en soi : des extraterrestres ? Une colère du ciel ? Un nouvel ordre magnétique ? Une attaque invisible ?
Instantanément, sans bruit, la métamorphose s’était produite : tout le long de l’équateur, sur un espace de cent kilomètres environ de part et d’autre du parallèle, les populations s’étaient figées. Radicalement, le reste du monde avait été piégé dans son investigation coutumière, puisque les journalistes étaient contraints de suggérer des hypothèses, ne pouvant atteindre ces zones sans être frappés eux-mêmes par ces symptômes étranges. On n’observait le phénomène que de loin, sans pouvoir agir véritablement, et persistait surtout l’idée troublante et impensable que l’inconnu absolu s’était inséré là, au lieu même où l’on imaginait maîtriser parfaitement les territoires. Les satellites indiquaient que la flore poursuivait sa croissance, que les animaux n’étaient pas affectés par cette cessation. Comme pour les profondeurs de la galaxie, on avait employé de petits robots dont les caméras scrutaient ces continents désormais étrangers et tous reflétaient la même image : biologiquement, rien n’annonçait la mort de ces gens, on aurait plutôt dit un sommeil lointain, et l’on n’entendait plus que le bruit d’une grande respiration, générale mais lente comme lors d’une hibernation. Chaque jour, des volontaires tentaient de pénétrer dans cette zone, incrédules et trépidants, mais l’endormissement était de plus en plus rapide.
Les jours se succédaient, identiques et présents, signes que cette fixité n’était qu’en apparence. Que se passait-il donc ? Et puis sept jours après ce dérèglement, toute la faune s’endormit à son tour. Comme une hibernation déclenchée au printemps, comme le vol sur-place d’un faucon sur les champs. Les journaux annonçaient l’apocalypse, l’invasion cachée, et les conséquences sur le reste des humains éveillés conduisaient à des gestes proches de la folie. Bien que les symptômes soient strictement limités à cette zone équatoriale, d’une précision géographique troublante, chacun craignait une propagation, et montait ainsi un pont d’angoisse vers ces zones silencieuses. C’était une vie au jour le jour, à l’heure près, elle-même ralentie par cet assoupissement profond. Le jour Quatorze, puisque le compte s’était calqué de lui-même sur l’horaire extérieur, ce fut au tour de la flore de s’endormir. A moitié écloses, les fleurs se figeaient, sans mûrir ni mourir, et toujours ce son d’une respiration douce et rythmée s’inscrivait sur les enregistrements. Un rythme hebdomadaire s’instituait donc à nouveau, et le jour Vingt-et-un fut attendu d’une endurance époustouflée. Dans l’attention exacerbée, le monde à son tour étouffait ses bruits.
Sophie avait éteint la radio, elle préférait échapper à l’obsession, elle se contentait des nouvelles transmises par ses amis et ses parents. Elle rejoignit l’ami avec lequel elle courait, dans la forêt, et elle aimait percevoir chaque semaine les évolutions moindres de la nature, jusqu’aux nuances des chants d’oiseaux. Après quelques foulées rythmées, son amis avait lancé la discussion :
« C’est fou, les terriens de la zone équatoriale se lèvent tour à tour, depuis ce matin, pour écrire quelques mots sur une feuille. Tu as su ?
− Non, j’avais tout coupé, comme la sauvage, sourit-elle. Donc ils sont réveillés ?
− Pas pour autant, semble-t-il. Cela ressemble davantage à une hypnose, ou du somnambulisme. C’est de plus en plus étrange. Mais les mêmes symptômes d’endormissement touchent encore ceux qui s’aventurent dans la région, et ceux qui y étaient entrés plus tard ne bougent pas, n’écrivent rien, comme si les trois semaines étaient nécessaires…
− Trois semaines seulement, le temps semble s’être ralenti pour nous aussi !
− Oui. Je croyais que toi, tu avais parvenu à t’éloigner de ces angoisses et autres pathologies déclenchées depuis, mais tu es sensible aussi, forcément, à cet inconnu.
− Comment savoir ce qui s’est passé, ce qui se passe même ? Nous sommes dépassés de toute façon, donc mieux imaginer que la suite ne sera pas hostile à notre égard. Pour l’instant, rien n’a changé, pour nous. Sauf le hêtre, ici, regarde, dont les feuilles s’ouvrent vite. C’est si beau, regarde, j’oublie chaque année l’intensité de ce vert, aspira-t-elle.
− Tu peux t’arrêter de courir, si tu veux, pour mieux le contempler…, aima-t-il taquiner.
− Ah non, je suis partie, maintenant, j’espérais juste t’intéresser à mes enthousiasmes printaniers… Je ne suis pas en Equateur, moi, je continue à courir. Mais j’en voulais à la télé, au départ, parce qu’avec les images, ma représentation de la scène s’était déçue. Tu vois, Raphaël, avant les reportages video, avec les caméras téléguidées, j’avais tout imaginé comme un arrêt sur image, un parfait immobilisme de cinéma, qui aurait maintenu chaque personne dans sa position première.
− J’imagine… Et les amoureux auraient profité du plus long baiser de l’histoire… mmmmm
− Et les chercheurs auraient produit la plus longue réflexion de leur carrière, et j’envisageais toutes les activités, la pose du photographe, pourtant habitué à ce qu’on pose pour lui, la vocalise infinie d’une chanteuse…
− Tu sembles lier l’existence au regard.
− C’est toi, le philosophe, mais je voyais ces images.
− Bien sûr, ce n’est pas dans leurs dramatisations à la noix qu’on verrait ce monde simplement tel qu’il est. Et toutes les hypothèses se tiennent. Tu aimes imaginer les histoires ? demanda-t-il
− Oui, beaucoup, mais le plus dur pour moi, c’est de progresser dans l’intrigue par évolution plus que par révolution. Comment savoir à quel niveau quelque chose se passe ?
− Je dois être impressionné par cette question équatoriale, j’entends tout ce que tu dis comme pouvant s’appliquer à ce qui arrive là-bas. »
Ils couraient régulièrement, parmi les arbres et les voix des oiseaux. Ce n’était qu’un moment, mais leur respiration concentrait l’énergie, animait les pensées. Pouvaient-ils s’empêcher de se représenter là-bas ? Il leur semblait évident qu’une activité cérébrale, qu’une réflexion se poursuivait en ces peuples de sommeil. La curiosité pure relayait l’étonnement.
Sept jours plus tard, les habitants de ces pays se levèrent et semblèrent reprendre leur vie accoutumée. Rien n’était plus étrange que ce lent réveil des êtres, des arbres et des animaux, cette reprise des gestes et des pas. Mais le sommeil emportait toujours ceux qui cherchaient à s’approcher, immédiatement précédé d’une sorte de neutralisation de la voix humaine. Du reste, les caméras n’enregistraient toujours que ce grand silence, ce secret muet. Les hommes communiquaient visiblement, mais sans ouvrir la bouche, sans parler. Les activités reprenaient avec une concentration variable : de minces décalages se faisaient sentir, les populations urbaines se hâtaient de quitter les villes, retournaient parfois s’installer près des forêts, ou replantaient des arbres. La société semblait fonctionner plus primitivement, mais se servait des outils les plus modernes. En somme, la technologie intéressait infiniment ces hommes, et ils parvenaient à anticiper la plupart des tentatives de capture et d’observation que mettaient en place les populations de l’extérieur. Lorsqu’ils y parvenaient quand même, l’attitude active et intelligente de ces êtres perdurait, rien ne se modifiait en eux, seule la parole était impossible. Pour autant, le bruit des voix ne les étonnait pas, on aurait dit que l’utilité ne leur apparaissait pas, ou qu’ils voulaient garder leur mystère. Quelques uns fredonnaient, chantaient, voilà tout. Quand ils pouvaient, ils regagnaient leur région, naturellement.
Sophie exultait : « Tu vois, on pouvait être optimiste, ces gens ne sont pas morts, tout indique qu’ils aiment la paix et les forêts.
− Tu restes dans ton histoire ? Petite narratrice, est-ce que cela concorde ?
− Je n’avais rien imaginé, c’est extraordinaire. Cela ressemble à une entente étrange entre les hommes et des forces naturelles ou fantastiques… Quelque chose comme un équilibre singulier, rayonnait-elle.
− S’ils lisaient dans ton âme, c’est certain, ces gens te laisseraient entrer. » Ils souriaient un peu et prolongeaient leur empathie. L’attraction de ces espaces s’intensifiait en elle, elle dessinait des paysages, observait les visages de ces peuples. Elle finit par s’y rendre. Cette décision lente avait surpris sa famille, elle ne pouvait pas tout expliquer elle-même. Un vertige clair l’accompagnait souvent, elle percevait le paradoxe de son dégoût envers la curiosité médiatique et de son entêtement à être là-bas. Mais elle se sentait déjà trop différente pour ignorer cet espoir envoûtant.
Un matin, elle entra, finalement. On avait tenté de l’en dissuader ou du moins de la prévenir de ce qu’elle allait découvrir, mais elle ne croyait rien : « je crois que c’est ce silence qui m’attire ». Aux premiers pas, elle ralentit simplement, et tourna la tête. Mais sur elle, l’endormissement ne venait pas. On la vit encore avancer, et s’approcher d’un arbre. Une femme sortit d’une maison et lui fit signe d’entrer.
A cet ami, Raphaël, elle ne développa complètement ce qu’elle avait vécu. Elle reconnaissait simplement que les bruits de la nature lui étaient indispensables, désormais, elle les décrivait plus intenses, plus sensibles qu’ailleurs. Et elle lui expliqua ce qu’étaient ces mots qui avaient été écrits pendant le sommeil-maturité des populations : chaque phrase commençait par deux mots fixes, en anglais, suivis d’un nom : « Try the invitation », avait-elle lu chez la dame qui l’avait priée d’entrer, « try the smiling », « try the love », « try the nature »,… Chacun semblait avoir tracé un chemin.
Sans un mot, elle avait compris qu’elle ne resterait pas, elle écoutait surtout ce silence immense, elle découvrait que rien n’était étranger dans ce monde et l’explication paraissait superflue. Il y avait cette possibilité d’essayer, cette tentative à permettre. Au retour, avant de sortir complètement, une petite fille lui avait tendu une feuille repliée, lui faisant signe de l’emporter et de continuer à marcher. En lisant, la joie la toucha : « Try the story. »

Mlečni Put*

 
imenujem Se žuborima Vremena
zato što sam prolaznost titrajima hronosina
između svetlosti Zvezde i večnog semena
 
danas — jučer — Svuda
gde Zelena Bara razliva suštinu Dobra
 
rečju sveobličnih arhivara života
bezimeno neistražive budućnosti oblika
 
neprepoznaljivo gorkog π
nezamislivo slatkog ∰
 
razbludne astronomije vedrina
 
 

CXI*

 
započeti negde nešto
ne prestati postojati
biti jestvo Dana
 
zato što život oseća sjaj
negde iz svetlosti duše
 
svetošću ljubavi svetova
navikom sveoblične nežnosti
 
zovem se po Tebi
ištem suštinu lepote
 
Vremena beskraj